Georges, accompagné de Katia, passe sur le stand en fin de marché. Il s’étonne de la farouche volonté qui anime mon désir de prôner le végétarisme autour de moi. Selon lui, le match est perdu d’avance. Nous jouons à 1 contre 6, l’équipe adverse a corrompu l’arbitre et celui-ci va bientôt siffler la victoire des méchants. Je veux « sauver le monde » depuis que je suis enfant, Georges. J’ai grandi et je sais bien que je n’y arriverai pas. J’ai laissé ce rêve au placard trop longtemps, pour le ressortir à l’aube de mes 40 ans, alors malgré tout, je compte bien m’y accrocher. Qu’est-ce qu’un homme sans ses rêves ? Je conçois que la tâche soit ardue et que le résultat soit plus qu’incertain. Le bateau coule ? Que pouvons nous faire d’autre que d’essayer de lancer des SOS, de jeter des bouées de sauvetage, d’aider les passagers à monter dans les canots, de rassurer les enfants, bref de sauver un maximum de vies avant de sombrer ?
Nous n’avons pas le droit de ne rien faire. Et quel bonheur, quel amour dans les yeux des rescapés, animaux ou humains ! Comme aujourd’hui avec cette jeune femme « aimantée » vers le stand. Elle n’est pas végétarienne mais elle en prend le chemin, je le sens dans son cœur. Je suis une étape de plus, une marche supplémentaire sur sa route. Sa maman qui l’accompagne mange moins de viande, me dit-elle, comme pas mal de mes visiteurs. Mais il y a pour elle une raison particulière. Depuis quelques temps elle a décidé d’élever elle-même des volailles. Résultat : elle a tant de mal à les tuer qu’elle hésite de plus en plus à le faire ! Pour elle non plus, je ne pense pas que notre conversation soit inutile. Comme encore avec cette autre jeune femme dont la meilleure amie est végétarienne et que le destin a envoyé au marché ce matin. Après notre discussion, son âme laisse transpirer un regard humidifié de sincérité troublée.
Peut-être que tous ces ressentis ne sont que le fruit de mon imagination mais peut-être aussi que le monde dans lequel nous pensons évoluer n’est pas plus réel. Stephen Hawking, scientifique émérite, s’attache à démontrer, dans son livre « L’univers dans une coquille de noix », la possible existence de mondes parallèles et de plusieurs dimensions que nous ignorons encore. Dans laquelle de ces dimensions vivons-nous aujourd’hui ? Qui peut le dire ? Si tout ce qui nous entoure n’est qu’illusoire, la force qui pousse certains à écouter leur conscience et à élever leur âme est, elle, bien réelle. Cette force est sans doute une clef vers la porte de sortie. Aujourd’hui encore, j’ai donc essayé d’agir en mon âme et conscience et de partager une vision du monde commune au 1 milliard de végétariens, humains, de la planète. Merci à mes invités de ce samedi, à toi, à Katia, au marchand d’asperges avec qui j’ai conversé, à mes voisines qui m’ont posé des questions, à cette fille végétarienne « isolée » de Clermont, à cette autre dame végétarienne en vacances en Auvergne venue se renseigner, à ce couple de Dijon, à Odile, à Alain et Pascale, à Maya qui bien qu’absente m’a téléphoné, à Franck et à son épouse Victtoria qui en plus de son accent chantant la Sicile m’a offert aujourd’hui cette image si merveilleuse, si douce et si remplie d’espoir d’une maman végétarienne donnant le sein à son bébé. Peut-être sera t-il l’enfant prodige ? Bella vita, Victtoria, Bella vita !
Nos mots et nos phrases se sont envolés. Certes les écrits restent mais ils restent enfermés dans des livres jusqu’au jour où le lecteur les libère. Alors espérons que nos paroles « dans le vent » « pollinisent » de nombreux esprits.
Thierry Blancheton